La peur de l'invisible
(2022)
Protocole artistique.
Sur une invitation de la curatrice Dilda Ramazan et coécrit avec la thérapeute holistique Sophie Rusniok. Activé une première fois le 13 mai 2022 à la galerie CONFORT MENTAL (Paris), ainsi qu'une seconde fois les 22 et 23 septembre 2022 à la Cryogénie – Espace de recherche-création (Strasbourg).
La peur de l’invisible est un protocole artistique pour lequel les visiteurs sont invités à se rendre dans un espace vide dans le cadre d'un événement initialement présenté comme une exposition. Ils·elles n'y trouvent d’abord presque rien à voir : seule une photocopieuse de bureau et quelques bacs transparents habitent l’espace. Chacun est alors encouragé par deux opérateur·rices à extraire une photo de son téléphone portable pour en faire une copie imprimée. Ce geste fait acte de contrat : la personne s’engage à présenter sa photocopie à une facilitatrice (Sophie Rusniok) dans un espace retiré. Cette dernière va alors accompagner le visiteur au cours d’une brève séance de méditation dont l’objectif est d’exhumer l’événement photographique, ce moment duquel la photo a émergé. Durant cette séance, la facilitatrice encourage, par la suggestion, l’apparition d’images mentales – des flashs, des ressentis inattendus pouvant se manifester à travers cette expérience. L’espace d’exposition accueille progressivement ces photocopies, rassemblées au sein de bacs transparents empilés les uns sur les autres de manière à ne pas dévoiler totalement la photo d’origine.
La peur de l’invisible aspire à décentrer les images, à les considérer sur une autre scène d’apparition, celle de l’esprit, du hors-champ ou encore à travers l’échange. Le protocole invite à reconsidérer le mode de diffusion de nos images, l’acte de rendre public une photographie, le droit à l’image et le droit à l’oubli. Plus largement, il s’agit de repenser notre relation au visible, à l’invisible et à l’hypervisible.
Extrait du carton d'invitation au protocole :
"Prendre une photo, la retoucher, la légender, la partager : autant d’actions ancrées dans notre quotidien au point de former un langage en apparence inconséquent. Pourtant, prendre une photo c’est redistribuer le partage du visible et de l’invisible. C’est configurer une scène de visibilité qui va bien au-delà du cadre du cliché, du programme de l’appareil photo ou de phénomènes optiques et chimiques. Alors que nous sommes régulièrement mis en garde quant au péril que représenterait la quantité faramineuse de photographies circulant en ligne, il n’est pas rare d’accumuler sur nos appareils des centaines, voire des milliers d’images. Cet écosystème dormant au fond d’un disque dur, d’une carte SSD, d’une clef USB, d’un cloud ou d’un smartphone ne s’arrête pas à l’œil humain. La surface de l’écran ne constitue que la part émergée de la vie souterraine de notre production visuelle. Nous pourrions alors considérer cette frange d’invisible comme le fondement même de son existence."
© crédit photo : Minyoung Park
